La faute d’une société de surveillance-sécurité privée doit être prouvée pour que sa responsabilité soit établie

Comme toute personne physique et morale, l’entreprise de sécurité privée encourt, dans l’exercice de son activité, des responsabilités pénales et civiles. Pour une société de sécurité privée, une assurance rcp adaptée à son activité se révèle indispensable.

Nous nous limiterons, dans le cadre du présent article, à la responsabilité civile (rc).

Ainsi, quel que soit son caractère (responsabilité contractuelle, délictuelle ou quasi-délictuelle), il est utile de se rappeler qu’elle repose sur trois piliers incontournables : un dommage, une faute et un lien de causalité direct et certain entre les deux. De plus, pour que la responsabilité soit retenue, il appartient à la victime de rapporter la preuve que chacune des trois conditions précitées sont réunies.

Pour illustrer ces propos, nous vous faisons part ci-après d’une décision rendue par la cour d’appel de Paris en 2010.

LES FAITS : Quelle est la responsabilité de la société de sécurité privée ?

Depuis le mois d’octobre 2003, la direction d’un hypermarché constate que certains de ses rayons font l’objet d’une recrudescence de vols de marchandises. La grande surface demande donc à la société X, son prestataire depuis de nombreuses années, une vigilance accrue de la part de ses agents de sécurité en poste. La société X sous-traitant la surveillance de l’hypermarché à l’entreprise Y, elle lui relaye ses recommandations. Le 28 juillet 2004, deux vigiles de la société de sécurité privée sont appréhendés en flagrant délit avec deux complices en train de sortir du magasin deux caddies remplis d’articles volés.

Par un jugement correctionnel rendu le 14 décembre 2004 par le tribunal de grande instance de Meaux, les quatre individus sont déclarés coupables de vol en réunion pour la seule journée du 28 juillet 2004 et condamnés à des peines de 3 mois de prison avec sursis et à diverses amendes.

Le 6 avril 2006, une assignation est délivrée à la société X par devant le tribunal de commerce de Meaux, à la requête de l’hypermarché et de son assureur dommages.
Sur le fondement de l’article 1384 alinéas 1er et 5 du Code civil, les requérantes sollicitent de la société X le remboursement :

  • de la franchise contractuelle versée par l’hypermarché (3 250 €) ;
  • de l’indemnisation, par son assureur dommages, du préjudice allégué (107 306 €) dont le montant a été calculé par l’expert mandaté par ledit assureur, suivant une différence de taux de marge.

La société X et son assureur en responsabilité civile professionnelle assignent en intervention forcée son sous-traitant, l’entreprise Y, en application des dispositions de l’article 1147 du Code civil, afin d’être garantis des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. A son tour, l’entreprise Y assigne en intervention forcée ses deux préposés indélicats, aux fins qu’ils la garantissent conjointement et solidairement de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge.

Par un jugement du 26 juin 2007, le tribunal de commerce de Meaux condamne la société X au paiement intégral des sommes exigées par les parties demanderesses, malgré l’absence de preuve formelle des détournements de marchandises.
Au regard de la forte augmentation de la démarque inconnue dans les semaines qui ont précédé l’arrestation des auteurs, « le tribunal a la conviction que pour avoir dérobé ou tenté de dérober plusieurs chariots de marchandises dans la même journée, par des personnes différentes, (les agents de sécurité) n’ont pas agi pour la première fois le 28 juillet 2004 mais ont au contraire développé un scénario maintes fois réalisé ».

Le tribunal de commerce de Meaux conclut en la responsabilité des deux agents de sécurité, de l’entreprise Y (responsable du fait de ses préposés), et de la société X (responsable du fait de son sous-traitant, et titulaire du marché) pour l’intégralité des dommages allégués.

La société X et son assureur en responsabilité civile professionnelle se retrouvent à assumer en première ligne les condamnations pécuniaires prononcées.

Un appel du jugement rendu le 26 juin 2007 est toutefois interjeté par l’ensemble des défendeurs.

LA DECISION suite à un appel du jugement de la société X et son assureur en responsabilité civile professionnelle

Par un arrêt du 9 février 2010, la cour d’appel de Paris censure la décision du 26 juin 2007 au motif que l’hypermarché et son assureur ne sauraient se prévaloir d’un préjudice fondé uniquement sur « l’intime conviction » des premiers juges.

Alors même que l’hypermarché a obtenu satisfaction devant la juridiction répressive, tant concernant son préjudice matériel que moral, aux termes d’un jugement dont il n’a pas été relevé appel, il a cru bon devoir assigner la société X devant le tribunal de commerce de Meaux pour la voir condamner à lui verser la somme de 110 556 € en raison de l’augmentation des vols qu’il aurait constatés et qu’il attribue aux préposés de l’entreprise Y.

La cour d’appel conclut « qu’ainsi, à défaut, par l’hypermarché et son assureur, de fournir la preuve d’une faute imputable au personnel de surveillance, laquelle ne saurait être caractérisée par de simples doutes ou soupçons, qui seraient, de manière directe et certaine, à l’origine d’un préjudice évalué selon une méthodologie contestable en ce qu’elle retient des paramètres arbitrairement choisis par l’assureur, il y a lieu de considérer qu’ils ne sont pas fondés à poursuivre l’engagement de la société X ».

En d’autres termes, ni les auteurs de la prétendue démarque ne sont identifiés, ni le préjudice revendiqué – établi unilatéralement – n’est démontré. Le seul vol avéré commis par les agents de la société de sécurité privée Y portait en effet sur le contenu de deux chariots remplis d’articles, et l’hypermarché avait vu les marchandises dérobées lui être restituées…

Cette décision, obtenue grâce au concours de l’un de nos avocats spécialisés, est excellente pour la société de surveillance X que nous assurons en responsabilité civile professionnelle.
Sa mise hors de cause souligne l’importance que revêt la charge de la preuve dans la survenance d’un sinistre… ainsi que la nécessité de bien choisir ses sous-traitants.

 

Frédéric Dorée
01 49 64 45 26 – fdoree@verspieren.com

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